Guadeloupe. Général Perret : « Le lien avec les élus est très important ! »

Entretien avec le général Christophe Perret, commandant de la gendarmerie de Guadeloupe. Un peu plus d’un mois après sa prise de commandement, le 12 septembre, le premier gendarme de l’archipel rappelle ses priorités : délinquance, trafics, violences intra-familiales, insécurité routière, coopération internationale…

Lors de votre prise de commandement, vous avez annoncé votre volonté d’aller à la rencontre des élus. Pourquoi ?

Général Perret : Je souhaite tisser des liens très étroits ou développer ceux qui existent avec les élus. Dès que je me déplace dans une unité, je demande toujours à rencontrer le maire de la commune. En plus des maires, j’ai été reçu par le président du Conseil régional et du Conseil départemental. J’ai aussi rencontré les élus nationaux : la sénatrice, le député Serva… C’est très important, même si nous n’avons pas forcément la même appréciation de la situation. Je suis là pour les informer sur la délinquance et eux peuvent beaucoup m’apporter sur le sentiment d’insécurité. Il faut aussi que nous développions notre action collective de lutte contre la prévention. La sécurité, c’est l’affaire de tous !

Au-delà des rencontres, que restera-t-il ?

J’ai participé en présentiel au Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) de Marie-Galante, avec le sous-préfet Moniotte, la commandante de compagnie et le commandant de brigade. Je reste très attentif aux CLSPD qui sont organisés sur le territoire. Ce lien avec les élus est très important parce qu’il faut que la gendarmerie adapte son action aux enjeux locaux : les élus sont très bien placés pour mieux les cerner.

J’ai aussi indiqué que je suis disponible pour échanger, débattre sur l’insécurité, sur l’action de la gendarmerie, au sein des conseils municipaux ou de l’association des maires.

La Guadeloupe a la particularité d’être un archipel. Comment appréhendez-vous cette réalité ?

Je découvre la double insularité ! Elle implique des contraintes en termes de sécurité et des besoins particuliers des populations ! En plus de Marie-Galante, dès ma deuxième semaine, je me suis rendu avec mon chef, le général Lavergne, à Terre-de-Haut. Nous avons rencontré les gendarmes qui y servent, mais aussi le maire pour échanger sur les problématiques vraiment très particulières liées à la double insularité et les aider à mieux lutter contre les phénomènes d’insécurité.

Les îles du Sud, et particulièrement Marie-Galante, sont confrontées à une montée de la délinquance. Comment y remédier ?

Ces territoires restent « paisibles », par rapport à ce qu’on peut constater sur le continent guadeloupéen. En revanche, des faits qui s’y passent ont une portée plus importante qu’en Guadeloupe. Du fait de l’insularité, des habitudes de vie des populations, un cambriolage aura une résonnance beaucoup plus forte et fera monter le sentiment d’insécurité.

À Marie-Galante, nous avons eu des phénomènes sériels avec des bandes qui ont commis plusieurs cambriolages dans une même nuit, des vols à fort préjudice… L’attaque du distributeur automatique de billets à Capesterre de Marie-Galante a un fort retentissement.

Quelles réponses comptez-vous apporter ?

Quand il y a des faits qu’on n’a pas pu éviter par la prévention, la répression doit être forte. Mon rôle, c’est de mettre les moyens, nécessaires et suffisants, pour endiguer ces faits, mais aussi interpeler les auteurs. À Marie-Galante, une enquêtrice a été en renfort, la semaine dernière. Nous travaillons en symbiose avec les magistrats pour l’emploi de moyens de police judiciaire plus importants. Un phénomène sériel n’ayant pas vocation à s’arrêter de lui-même, nous suivons cette affaire de très près !

Quel est l’effectif de la brigade de Marie-Galante ?

En temps normal, à la brigade de Marie-Galante, il y a 10 gendarmes, renforcés mensuellement par des motocyclistes de l’escadron départemental de Sécurité routière qui font des patrouilles et par la brigade de recherche pour des enquêtes plus complexes, ainsi que le peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie, de la compagnie de Pointe-à-Pitre, pour des interventions nocturnes en soutien de la brigade.

Ces effectifs seront renforcés dès 2025 par la brigade mobile de Capesterre ?

L’installation de la brigade de Capesterre est décalée au 1er janvier 2026. Notre ambition est de créer une brigade mobile dans des locaux qui ont déjà été préparés par la commune avec le maire M. Maes. Nous avons installé la brigade Goyave, en septembre, nous devons créer la brigade nautique de Gourbeyre au second semestre 2025, puis la brigade mobile de Capesterre, à Marie-Galante. Nous serons très attentifs au personnel que nous y mettrons pour une parfaite adaptation.

Un mois après l’installation de la brigade de Goyave, sur quelles interventions se concentre son activité ?

Inauguration de la brigade de Goyave, le 11 septembre.

Goyave justifiait une brigade par rapport à l’activité délictuelle importante de cette commune. Cette brigade, installée, pour le moment, dans un espace aménagé par la commune, pour être opérationnelle le plus rapidement possible, a rapidement trouvé toute sa place. Elle fait beaucoup d’interventions liées aux violences intra-familiales, aux atteintes aux biens… Mais, surtout, son rôle premier, c’est sa présence rassurante par des patrouilles et l’accueil du public. La gendarmerie est un service public : cet appui à la population est très important dans mes priorités.

Concernant les violences intra-familiales, nous sommes parfaitement en ligne avec le procureur général Maurel, les procureurs de la République, Xavier Sicot et Caroline Calbo. Il n’y aura aucune tolérance pour les violences intra-familiales entre conjoints, des parents contre les enfants ou des enfants entre eux. C’est un fléau contre lequel on doit lutter.

L’insécurité routière est aussi un fléau avec la hausse de la mortalité…

L’insécurité routière est une préoccupation réelle. Même si nous avons une diminution des blessés, nous avons une hausse de la mortalité, avec 33 décès. La situation est d’autant plus préoccupante que la répression est pourtant très forte avec plus de 1000 rétentions de permis de conduire. Nous avons pris le parti de nous concentrer sur les infractions qui génèrent des accidents graves.

Nous devons trouver de nouveaux moyens de prévention, d’où le travail mené avec les associations, avec de jeunes ambassadeurs qui vont témoigner. Côté gendarmerie, nous expérimentons de nouvelles actions pour toucher les jeunes. Les 18/24 ans représentent 1 décès sur 4, avec souvent des conduites addictives dans 1 accident sur 2.

L’idée, c’est d’allier prévention et répression. Toutes les semaines, nous indiquons, sur nos réseaux sociaux la date et le lieu où nous effectuerons des contrôles. L’intérêt, c’est que les conducteurs, prévenus, feront naturellement attention avant le point indiqué et après, mais ils vont aussi être un peu plus sensibles aux messages que nous diffusons sur la sécurité routière et les autres types de sécurité. Nous espérons toucher une population plus large.

La lutte contre la délinquance passe aussi par la coopération internationale ?

Il y a les trafics de stupéfiants, d’armes, beaucoup de vols à main armée, des réseaux d’écoulement de pièces détachées…, des trafics contre lesquels on peut lutter avec des liens régionaux, inter-îles. Notre logique, c’est de développer le renseignement pour démanteler ces trafics, mais il s’agit aussi de mener une action rapide avec les services.

Il ne s’agira pas d’essayer de détruire un arbre dont les branches se reconstitueraient, mais de couper la branche le plus vite possible pour voir ce qui reste et sur quoi on peut travailler. Ce qui n’empêche pas de développer un travail régional, avec la Dominique en premier lieu, la Martinique, mais aussi plus ouvert à l’international.

Nous avons un attaché de sécurité intérieure et une magistrate de liaison à Sainte-Lucie qui ont vocation à travailler avec les pays de la Caraïbe, notamment en proposant des actions de coopération avec la Dominique, pour des opérations mais aussi de la formation…

L’un de vos objectifs est aussi de recruter plus de Guadeloupéens pour renforcer les rangs de la gendarmerie en Guadeloupe…

Depuis que j’ai pris mes fonctions en Guadeloupe, mon jour préféré, c’est le vendredi ! C’est le jour où je reçois les nouveaux engagés pour la signature de leur contrat. C’est une grande fierté pour moi de préparer la relève. C’est toujours très agréable de savoir que des recrues qui partagent la même passion que moi veulent s’engager pour être gendarmes adjoints, qu’ils carrossiers, cuisiniers, magasiniers…, sous-officiers du corps militaire de soutien. Je reçois aussi des gendarmes adjoints volontaires qui veulent renforcer nos brigades. Il y a aussi des gendarmes adjoints qui réussissent le concours de sous-officiers. Je trouve cela très beau : ils acceptent de faire des milliers de kilomètres pour se former et occuper ensuite un poste dans l’Hexagone avant de revenir en Guadeloupe comme sous-officiers.

C’est une grande priorité pour moi de continuer à recruter et d’avoir des gendarmes qui veulent revenir en Guadeloupe. J’ai beaucoup de gendarmes adjoints dans les unités, mais j’ai aussi besoin de sous-officiers qui pourront faire de belles carrières entre l’Hexagone et la Guadeloupe, voire encadrer des unités, comme c’est le cas à Goyave.

Il faut que la gendarmerie soit toujours représentative de la population française et de son lieu : il faut un équilibre.

Entretien : Cécilia Larney

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