Opinion. Non aux coups de massue sur les Outre-mer !

PAR LES SÉNATEURS ULTRAMARINS DU GROUPE RDPI*

À l’heure où le débat parlementaire autour du budget de l’État pour 2025 s’ouvre au Palais Bourbon, nous, sénateurs du groupe RDPI représentant tous les bassins océaniques de nos territoires ultramarins, souhaitons prendre la parole pour exprimer notre profond mécontentement.

Le projet de loi de finances, annonçant une baisse de 250 millions sur les fonds dédiés à l’Outre-mer, traduit une très mauvaise lecture des situations de crise que traversent nos territoires et vient en parfaite contradiction avec l’ampleur de la réaction de l’Etat attendue par nos populations. Le rabot budgétaire imposé aux Outre-mer vient creuser les fractures déjà béantes et risque de compromettre durablement le pacte républicain qui lie les territoires ultramarins à la République.

Avec une telle réponse froide et comptable aux appels criants de nos territoires, comment l’État pourra t-il justifier auprès de nos populations que leur situation, déjà marquée par de profondes inégalités, se détériore encore davantage ?

Ce budget constitue en l’état un camouflet adressé à nos territoires et à tous les élus que nous sommes face aux difficultés que nous devons affronter sur des thématiques brûlantes telles que la vie chère, le déficit d’emplois et de logements, la détresse sociale auxquels viennent s’ajouter des besoins fondamentaux en matière d’accès à l’eau et aux services publics de base, de liberté de circuler dans un climat insurrectionnel piétinant la sécurité des biens et des personnes comme sur aucun autre territoire de la République.

Face aux ouragans de mécontentements exprimé aux dernières élections, face à l’embrasement de la rue et de la brousse, le projet de loi de finances 2025 vient opérer des coupes drastiques dans les budgets alloués aux Outre-mer.

Les données chiffrées présentées en Conseil des ministres traduisent clairement un
désengagement de l’État sur des dispositifs fondamentaux pour l’avenir de nos territoires, alors qu’un sursaut républicain est attendu de tous.
Ces réductions budgétaires ne sont ni acceptables, ni justifiables alors que le feu du désespoir alimente le soulèvement de notre jeunesse ultramarine.

Il est encore temps pour le gouvernement de réagir en réajustant ses priorités lors du débat parlementaire qui s’ouvre.

Ce budget est aussi l’occasion de redonner de la transparence aux réels efforts de l’Etat dans nos territoires. Nous appelons le gouvernement à lever l’opacité de la maquette budgétaire consacrée aux Outre-mer. Cette opacité brouille le débat parlementaire en masquant la répartition complète des crédits de l’Etat pour chacun de nos territoires, au-delà des lignes gérées par le ministère des Outre-mer.

Ce manque de transparence nuit à l’appréciation des engagements financiers réels de l’État et empêche le Parlement de débattre de l’ensemble des politiques publiques engagées par le gouvernement pour les Outre-mer.

Si nos territoires ne sont pas entendus, ce budget se révélera être bien plus qu’une simple épée de Damoclès : il constituerait un véritable coup de massue pour les Ultramarins.

L’absence de discernement et de considération de l’Etat à l’égard de nos territoires, confrontés à des crises profondes, creuserait la fissure du pacte républicain aux yeux de nos populations en plein désarroi.

Nous n’ignorons pas la difficulté de l’exercice budgétaire pour le gouvernement et la situation de la dette publique. Mais les ferments d’une crise majeure et explosive guettent chaque faux pas de l’Etat pour se démultiplier et s’étendre sur tous les territoires.

Nous appelons le gouvernement au sursaut républicain. Il n’y a pas d’autre voie possible que celle d’une véritable politique d’apaisement et de justice sociale. Nos territoires n’accepteront pas de nouveaux sacrifices comptables, en total décalage avec les appels à l’aide de nos populations sur les braises de la révolte.

Nous n’attendons pas de complaisance, nous n’attendons pas de compassion bienveillante.

Nous attendons des réponses concrètes à la hauteur des responsabilités de l’État face à la situation tendue et cruciale de chaque territoire, afin de répondre aux urgences et d’accompagner enfin les Outre-mer dans les transformations profondes qui doivent s’engager.

En notre qualité d’élus de la République, nous appelons ce sursaut de conscience. L’avenir des Outre-mer ne doit pas être sacrifié sur l’autel de la démonstration budgétaire. Nous appelons à une révision de ce projet de loi de finances avec l’ouverture d’un véritable débat sur l’avenir de nos territoires et des moyens pour le rendre concret. Nous refusons d’entendre encore cette musique lancinante qui susurre à l’oreille de nos concitoyens que les Outre-mer sont un poids pour le budget de la Nation.

N’ayons pas peur de la transparence des chiffres en ouvrant un réel débat budgétaire à l’aune de nos territoires qui offrent à la France sa grandeur sur tous les océans et sa place dans le concert des nations.

Si « l’Outre-mer est au cœur de la France », comme nous l’entendons à chaque visite ministérielle de tous les gouvernements qui se succèdent, alors la France doit entendre les battements que forment les cris de ses populations.

*Dominique Théophile, sénateur de Guadeloupe, Teva Rohfritsch, sénateur de Polynésie
française, Georges Patient, sénateur de Guyane, Marie-Laure Phinéra-Horth, sénatrice de
Guyane, Solanges Nadille, sénatrice de Guadeloupe, Frédéric Buval, sénateur de Martinique,
Stéphane Fouassin, sénateur de la Réunion, Saïd Omar Lili, sénateur de Mayotte, Mikaele
Kulimoetoke, sénateur de Wallis et Futuna

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