Opinion. La politique de rigueur risque de frapper très fort, mais inconscience et ignorance sont encore de mise au sein du peuple !

PAR JEAN-MARIE NOL*

La situation des finances publiques françaises, marquée par des années de dérive de la dette, atteint aujourd’hui un point critique, et les conséquences de cette dégradation risquent de se faire sentir lourdement, tant sur l’Hexagone que sur ses territoires d’outre-mer.

Le budget 2025 nécessitera de faire des économies importantes, malgré une Assemblée nationale fragmentée comme jamais. C’est bien un casse tête budgétaire qui est en vue pour le prochain gouvernement ,car osons le dire c’est la rigueur qui apparaît nécessaire en France pour retrouver l’équilibre de nos finances publiques . Au détour d’une phrase, le premier ministre Michel Barnier  a lâché le gros mot : « rigueur ».

Les annonces des difficultés de finances publiques sont récurrentes et les nombreuses alertes de la Cour des comptes nous y préparent fréquemment. Le respect des engagements européens appelle à court terme des décisions inévitablement douloureuses. D’après l’économiste Eric Heyer : « On se dirige vers un budget d’austérité qui va réduire la croissance économique »

Au-delà de la France hexagonale, sortir des difficultés récurrentes de trésorerie nécessitera des réponses plus structurelles en Outre-mer. En Guadeloupe et en Martinique, ces régions déjà confrontées à des défis économiques et sociaux propres, l’impact pourrait être considérable, tant sur le plan des politiques publiques que sur la vie quotidienne des habitants.

Pendant des années, la France a repoussé les réformes nécessaires pour assainir ses comptes, accumulant une dette qui atteint aujourd’hui des niveaux jugés préoccupants. Les signaux d’alarme se multiplient. D’un côté, la Commission européenne, qui a longtemps fait preuve de patience à l’égard de Paris, exige désormais un redressement clair et rapide des finances publiques, avec un retour du déficit sous la barre des 3 % du PIB. De l’autre, les marchés financiers expriment leur nervosité, comme en témoigne l’élargissement du spread entre les obligations françaises et allemandes, signe que les investisseurs perdent confiance. Enfin, les agences de notation, dont l’analyse pèse lourd dans la perception de la stabilité économique, pourraient prochainement abaisser la note de la France, augmentant ainsi encore le coût de la dette.

Ce contexte impose à l’État un effort colossal : un ajustement de 110 milliards d’euros est nécessaire pour ramener le déficit à un niveau acceptable. Cet effort budgétaire équivaut à une amputation de 10 % du niveau de vie de chaque Français soit plus de 2000 euros pour chaque guadeloupéens et Martiniquais de la classe moyenne , une perspective qui suscite l’inquiétude tant elle semble douloureuse. Il ne s’agit pas seulement de chiffres abstraits : cet effort prendra la forme de coupes dans les dépenses publiques, de réformes fiscales et d’une compression des investissements de l’État, qui affecteront directement le quotidien des citoyens.

En Guadeloupe et en Martinique, ces mesures d’austérité risquent de frapper de plein fouet. Ces territoires, qui dépendent largement de l’aide de l’État pour financer leurs infrastructures, leurs services publics et leurs politiques sociales, pourraient voir ces soutiens se réduire de manière drastique. Or, la situation économique de ces départements est déjà marquée par une précarité plus importante que dans l’Hexagone : un taux de chômage plus élevé, une forte dépendance aux transferts publics, et des secteurs économiques, comme le BTP , l’agriculture et le tourisme, fragilisés par des crises successives.

Toute diminution de l’aide de l’État risquerait d’amplifier les difficultés locales.Les coupes budgétaires pourraient se traduire par une réduction des crédits alloués aux collectivités territoriales, une baisse des dotations de l’État aux hôpitaux, écoles et autres services publics, voire un recul des politiques sociales destinées à soutenir les populations les plus vulnérables. Ces mesures seraient particulièrement douloureuses dans un contexte où l’accès aux soins, à l’éducation et à l’emploi est déjà plus difficile que dans l’Hexagone.

La santé publique, en particulier, pourrait être fortement impactée, alors que les systèmes hospitaliers des Antilles sont déjà sous tension. La pandémie de Covid-19 a mis en lumière les failles de ce système déjà branlant financièrement , et une nouvelle contraction budgétaire pourrait rendre encore plus difficile la prise en charge des populations locales.Le secteur de l’emploi est un autre domaine où l’impact pourrait être sévère. Alors que les taux de chômage en Guadeloupe et en Martinique sont nettement supérieurs à la moyenne nationale, une contraction de l’investissement public risquerait de freiner la création d’emplois.

De nombreux projets d’infrastructures, qui dépendent largement du financement de l’État, pourraient être retardés, voire annulés, privant ainsi ces territoires d’opportunités de développement économique.

La construction notamment de logements sociaux et les travaux publics, secteurs clés pour l’emploi local, seraient parmi les premiers touchés par ce ralentissement. Par ailleurs, le climat social pourrait se tendre. Les Antilles françaises sont régulièrement le théâtre de mouvements sociaux, souvent liés à des questions de vie chère, d’inégalités et de chômage. Si la population locale voit ses conditions de vie se détériorer encore, en raison des politiques d’austérité imposées par la nécessité de redresser les comptes publics, il n’est pas à exclure que des tensions sociales émergent à nouveau, exacerbées par un sentiment de relégation et d’abandon par l’État central.

Toutefois, cette crise des finances publiques pourrait aussi, paradoxalement, offrir une opportunité de réformes structurelles en Guadeloupe et en Martinique. Face à la réduction inévitable des transferts de l’État, ces territoires pourraient être amenés à repenser leur modèle économique, à renforcer leur autonomie alimentaire et à diversifier leurs sources de financement. La dépendance excessive aux aides publiques est depuis longtemps pointée comme un frein au développement local. Cette situation pourrait encourager l’émergence de nouvelles initiatives entrepreneuriales, notamment dans les secteurs de l’économie verte, de l’agriculture durable, ou encore du numérique et de l’intelligence artificielle , qui offrent des perspectives de croissance pour l’avenir.

En réalité, la dégradation des finances publiques françaises et les mesures d’austérité qui en découleront ne manqueront pas d’avoir des répercussions profondes en Guadeloupe et en Martinique. Les habitants de ces territoires risquent de subir de plein fouet les conséquences de la réduction des dépenses publiques, dans un contexte déjà marqué par des fragilités économiques et sociales. Mais, cette crise pourrait aussi servir de catalyseur pour des réformes nécessaires, en encourageant la diversification économique et en renforçant la bonne gouvernance de ces régions.

Cependant, il est essentiel que ces ajustements se fassent de manière équilibrée, afin de ne pas sacrifier les acquis sociaux et les services publics qui restent indispensables au bien-être des populations locales. Cependant, malgré tout, c’est bien un sentiment de déni et d’inconscience qui prédomine aux Antilles en raison d’une méconnaissance des mécanismes économiques et financiers et d’une ignorance des conséquences de nos actions souvent clientélistes et populistes. Et pourtant, la méconnaissance des mécanismes économiques et financiers en Guadeloupe et en Martinique constitue un enjeu crucial pour l’avenir de ces territoires.

Cette situation peut altérer significativement le jugement des élus locaux et influencer de manière négative la gestion des politiques publiques, tant sur le court que le long terme.Tout d’abord, il est important de comprendre que les mécanismes économiques et financiers, bien qu’abstraits pour une grande partie de la population, ont des répercussions directes et concrètes sur la vie quotidienne. Le niveau de la dette publique, la gestion des déficits et la capacité de l’État à financer ses politiques publiques déterminent, en grande partie, les investissements dans les infrastructures, les services publics, les prestations sociales, et bien d’autres aspects essentiels à la vie collective.

Lorsqu’une population, ou même ses représentants, ne saisit pas l’importance de ces mécanismes, cela peut créer un décalage entre les attentes locales et la réalité budgétaire à laquelle l’État est confronté.En Guadeloupe et en Martinique, cette méconnaissance se traduit par une déconnexion entre les revendications locales, souvent légitimes, et les contraintes budgétaires de l’État.

Prenons l’exemple des mouvements sociaux récents en Martinique autour de la problématique de la vie chère. Si cette question est effectivement un problème majeur, souvent exacerbée par les coûts supplémentaires liés à l’insularité et à la dépendance des territoires aux importations, la réponse ne peut pas simplement passer par un alignement automatique des prix sur ceux de l’hexagone. Cela nécessite certes d’abord une baisse des marges de la grande distribution mais surtout une augmentation des aides ou une intervention financière de l’État et des collectivités. Or, sans une compréhension fine des contraintes économiques, la population locale, tout comme ses représentants, peut avoir tendance à réclamer des solutions immédiates et directes, sans percevoir l’impact à long terme de telles mesures sur la soutenabilité budgétaire.

En effet, si l’État venait à céder à des revendications sans tenir compte des équilibres financiers globaux, cela ne ferait qu’aggraver la situation de la dette publique, qui est déjà alarmante. Une dette excessive empêche l’État d’investir de manière durable dans des secteurs clés tels que la santé, l’éducation, ou encore le développement économique, et cela a un effet particulièrement délétère pour les territoires ultra-marins, qui dépendent fortement des transferts publics. Par conséquent, une vision erronée ou incomplète des réalités économiques pourrait conduire les élus locaux à soutenir des mesures qui, à première vue, paraissent bénéfiques pour leurs électeurs, mais qui, à terme, affaibliraient incontestablement la capacité de l’État à maintenir ses engagements envers ces territoires. Cette absence de culture économique et financière peut également entraîner des erreurs dans la gestion des ressources locales.

Les élus, ne comprenant pas pleinement les enjeux du financement public, pourraient prioriser des dépenses à court terme, populaires auprès de leur électorat, au détriment d’investissements à plus long terme dans des infrastructures ou des réformes structurelles nécessaires pour assurer un développement durable. Or, les choix politiques basés sur des calculs populistes ou mal informés peuvent conduire à un gaspillage de ressources, une inefficacité des politiques publiques, et, au final, un mal développement.

De plus, sans une bonne maîtrise des mécanismes financiers, les collectivités locales peuvent avoir du mal à négocier efficacement avec l’État central ou à comprendre les implications de certaines décisions nationales ou européennes. Par exemple, dans le cadre des discussions actuelles sur le Pacte de stabilité budgétaire de l’Union européenne, les élus locaux pourraient sous-estimer l’impact des sanctions ou des restrictions budgétaires imposées à la France sur les subventions et aides voire mécanismes fiscaux comme l’octroi de mer dont dépendent leurs territoires. Une mauvaise lecture de ces contraintes risque de créer des attentes irréalistes chez les populations locales, alimentant ainsi des tensions sociales et des frustrations lorsque les promesses de soutien économique ne pourront pas être tenues.

Enfin, la méconnaissance des principes économiques peut également entraver la capacité des élus à encourager un développement économique endogène. Au lieu de se concentrer sur la diversification de l’économie locale ou sur des politiques d’incitation à l’innovation et à l’entrepreneuriat, les élus peuvent continuer à privilégier des modèles keynésiens de dépendance vis-à-vis des subventions étatiques. Cela crée une économie stagnante, peu résiliente, incapable de s’adapter aux chocs extérieurs, comme les crises sanitaires, économiques ou climatiques.

Une meilleure compréhension des mécanismes économiques permettrait de favoriser des stratégies de développement plus autonomes, moins dépendantes des financements publics, en renforçant par exemple les secteurs de l’agriculture durable, de l’économie circulaire, ou encore du tourisme responsable.

En somme et pour récapituler notre analyse de la situation actuelle, la méconnaissance des mécanismes économiques et financiers en Guadeloupe et en Martinique présente un véritable risque pour l’avenir de ces territoires. Elle altère la capacité des élus locaux à gérer efficacement les politiques publiques, à anticiper les conséquences des contraintes budgétaires nationales et à encourager un développement économique pérenne.

Pour pallier cette situation, il est nécessaire de renforcer l’éducation économique des élus et des populations locales, afin que les décisions politiques soient prises en toute connaissance de cause, avec une vision claire des enjeux économiques et financiers de long terme. Ce n’est qu’à cette condition que les territoires ultramarins pourront surmonter les défis qui se présentent à eux et construire un avenir plus prospère durablement orienté vers la paix sociale dans un climat de responsabilité .

« Pa joué an difé lè ou habiyé an pay-sek  « .
Traduction littérale : Ne joue pas avec le feu lorsque que tu es habillé en paille.

*Economiste 

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