Les scandales récents ont révélé les méthodes brutales souvent imposées aux jeunes sportifs de haut niveau.
Nourrie de nombreux témoignages, cette enquête accablante met au jour les rouages d’un système qui sacrifie des enfants au nom des intérêts économiques et de la gloire. À 14 ans, Coline Weber intègre le prestigieux pôle France de gymnastique de Marseille, où elle vit un calvaire : blessures à répétition et épuisement causés par l’excès d’entraînement, privation de nourriture, humiliations, pression constante… Écartée des sélections nationales après que sa mère a alerté la fédération, l’adolescente, aujourd’hui âgée de 18 ans, a dénoncé devant la justice les méthodes de son coach.
Outre-Manche, l’ancienne gymnaste Claire Heafford, fondatrice de l’association Gymnast for Change, a contribué à faire éclater au grand jour l’ampleur des dérives, tandis qu’au Canada la nageuse artistique Gabrielle Boisvert a déclenché une vague de dénonciations qui a éclaboussé une vingtaine de disciplines.
Avant 18 ans…
Ces prises de parole, auxquelles se mêlent celles de superstars (Thierry Henry, Michael Phelps, Simone Biles…), mettent en lumière l’éventail et la gravité des abus infligés aux jeunes athlètes, corroborés par de très nombreuses études scientifiques.
Une récente enquête allemande menée auprès de sportifs d’élite révèle ainsi que 86 % d’entre eux ont subi au moins une fois de la violence psychologique dans ce cadre, la plupart avant 18 ans. Aux États-Unis, où les enfants entre 6 et 18 ans font près de 17 heures de sport en moyenne par semaine, le docteur Mininder Kocher, lui, s’inquiète de l’augmentation des blessures, de plus en plus graves et précoces.
Enfances brisées
« S’il y avait autant de blessures dans n’importe quel autre domaine de la vie des enfants, le gouvernement interviendrait immédiatement », s’indigne le sociologue canadien Peter Donnelly.
Dévoilant la face tragique du sport de haut niveau, ce documentaire plonge dans les rouages d’un système qui maltraite les enfants, hérité des méthodes de l’ancien bloc de l’Est.
Sacrifiés sur l’autel du profit – le marché mondial du sport pesant aujourd’hui plus de 1 000 milliards de dollars –, les futurs champions se retrouvent pris en étau entre les attentes de leurs entraîneurs, de leurs parents, mais aussi des fédérations et des États, avides de médailles.
Pour décrypter cette réalité aux conséquences lourdes, Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac (Violences sexuelles dans le sport, l’enquête) a enquêté dans plusieurs pays, recueillant les témoignages bouleversants de jeunes athlètes traumatisées – à l’instar de Jacqueline, petite patineuse allemande victime d’un burn-out –, complétés par les éclairages de médecins, de chercheurs, de défenseurs des droits des enfants ou encore de représentants d’associations d’aide aux victimes. L’exemple norvégien prouve qu’il est possible de concilier épanouissement et résultats.
Sur arte.tv