Guadeloupe. Social. Canne : à quelques heures de l’ouverture de la campagne, le président des maires propose une solution

Jocelyn Sapotille, maire de Lamentin, dans le bassin cannier du nord de la Basse-Terre, président de l’association des maires de Guadeloupe, a pris position au nom de l’association dans le dossier canne-sucre.

Le dossier est difficile. 10 000 personnes sont concernées par la filière canne-sucre-rhum. Il y a les exploitants agricoles, leurs salariés, leurs saisonniers, les opérateurs de coupe, les transporteurs, le personnel d’analyse du taux de sucre et du poids de la canne, les salariés et saisonniers de l’usine de Gardel, des distilleries. Sans oublier les fournisseurs d’intrants… Ceux qui ne sont pas contents, à la veille du début annoncé de la campagne, le 1er mars, ce sont les exploitants agricoles producteurs de cannes.

Que veulent-ils ? Qu’on leur paie le taux de sucre au juste prix, tout comme la tonne de cannes une fois amenée à l’usine. Mais aussi que l’usine de Gardel paie la bagasse de leur canne, que l’usine revend à la centrale biomasse d’Albioma, la mélasse que l’usine revend à Bonne-Mère (elle sert à faire de l’alcool), l’écume que l’usine utilise pour amender ses champs en faire-valoir direct. Bagasse et mélasse sont rémunérées… de manière symbolique disent les producteurs de cannes.

L’usinier, Nicolas Philippot, qui a reçu les représentants du Collectif Jeunes Agriculteurs de Guadeloupe, Kolèktif des Agriculteurs, UDCAG, ne cède rien. Il s’en tient à un accord signé en 2023 par toutes les parties (sauf le Collectif) : Iguacanne, GIE Canne, Sicas, usine, Etat, Région, Département (ces trois là mettent au pot chaque année), etc.

La menace plane sur l’ouverture de la campagne demain matin. Même si beaucoup de producteurs ont coupé leur canne aujourd’hui et attendent avec impatience le coup d’envoi, rien n’est moins sûr.

De passage à Paris pour le Salon International de l’Agriculture (SIA), le président de Région, Ary Chalus, a rencontré le président de la République, Emmanuel Macron, pour relayer les inquiétudes des producteurs de cannes et demander un nouvel effort. Il s’agit plus de demander à ses services de faire pression sur l’usinier dont les installations appartiennent à la 15e fortune nationale, Jean-Pierre Cayard, patron du groupe La Martiniquaise, à un grand distillateur bien connu en Guadeloupe, à diverses personnes abritées derrière des sociétés ayant pignon — ou pas — sur rue. Les producteurs de cannes l’ont dit et redit : ils ne veulent pas de l’argent de l’Etat, de la Région, du Département. Ils veulent que l’usinier paie.

Jocelyn Sapotille, au nom des maires de Guadeloupe, tente de calmer le jeu à son tour, après quelques élus dont olivier Serva, Christian Baptiste, députés, Thierry Abelli, maire de Bouillante où l’on n’a pas vu le moindre champ de cannes, ce qui est méritoire, Eric Jalton, toujours prêt à secourir la veuve, l’orphelin et les producteurs de cannes. Même si la belle plaine cannière de Perrin, dans sa commune, a été transformé d’une part en cité administrative, d’autre part en nouveau CHU. C’est le sens de l’histoire.

Que dit M. Sapotille ?

« Depuis plusieurs semaines nous constatons une mobilisation des planteurs de canne qui revendiquent une revalorisation du prix de la tonne. La demande des planteurs ne porte pas uniquement sur le prix, mais aussi sur la constitution de celui-ci.

Sur les 3 territoires que sont la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion, c’est en Guadeloupe que les planteurs sont les plus désavantagés.

Alors qu’à la Réunion et qu’à la Martinique la participation de l’industriel est respectivement de 57 % pour un montant de 59,20 € et de 31% pour un montant de 44,34 €, en Guadeloupe la contribution de l’industriel correspond à 16% de la formation du prix, et 84% est apporté par le secteur public (Europe, Etat, Région, Département).

Dans ce contexte, la demande des planteurs qui consiste à augmenter la part de l’industriel est plus que légitime.

Sur le principe de la loi du 2 juillet 1963, interdisant la vente à perte, on ne peut continuer à formaliser à travers des accords avec la participation de l’Etat et des collectivités, la vente à perte par les producteurs de canne.

Les disparités sur la participation des usiniers doivent aussi interpeller l’Etat et ses services.

En ce sens nous demandons:
. Une étude pour déterminer le coût réel de la tonne de canne en distinguant la zone Guadeloupe dite continentale de celle de Marie-Galante,
. Suite à cette étude, à fixer un prix plancher de la tonne de canne,
. Une répartition entre les usiniers et le secteur public juste et loyale,
. Une rémunération qui intègre un prix pour la mélasse et la bagasse vendues à Albioma.

Il est important pour ne pas retarder le démarrage de la récolte et augmenter les difficultés des planteurs qu’une solution soit rapidement trouvée entre les parties impliquées dans ce conflit.

Compte tenu de la complexité du problème, une solution provisoire, avec une clause de revoyure pour étudier en profondeur les principes de composition du prix de la tonne de canne, pourrait permettre une sortie de crise rapide.

Des mesures d’accompagnement technique, pour permettre une amélioration du rendement à l’hectare nous semblent plus que nécessaires. Cet indicateur participe fortement au niveau de revenu des planteurs. Il est impératif d’améliorer cet indicateur en baisse depuis de nombreuses années.

Dans cet environnement économique complexe, tous les moyens doivent être mis en œuvre pour la pérennisation de la culture de la canne, pour plus de justice sociale, et permettre aux planteurs de vivre dignement de leur travail.

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