La crise que connaît en ce moment la filière canne, avec l’implosion des dissenssions internes entre groupements, ira-t-elle jusqu’à l’explosion sur la place publique et des retombées sur la vie quotidienne de la Guadeloupe avec de possibles blocages ce lundi ? Mardi, ils bloqueront l’usine de Gardel.
Derniers épisodes : le groupement d’intérêt économique (GIE Canne) travaillera, désormais, avec un trio de SICAs : la SICAMA, la SICAGRA et la SICADEG. L’UDCAG a été exclue. La position de l’UDCAG, quatrième membre de cette association d’intérêts professionnels, est considérée par le GIE Canne comme incompréhensible et inadmissible.
Que s’est-il passé ? L’UDCAG, qui représente les producteurs de cannes du bassin nord de la Basse-Terre, s’est positionnée, avec le Kolèktif des Agriculteurs (KAD) et les Jeunes Agriculteurs Guadeloupe, en faveur d’un rejet catégorique de la convention canne 2023-2028 et d’une mobilisation des producteurs de cannes.
Rejet de même des attendus de la réunion, vendredi, entre le préfet de Région, Xavier Lefort, les présidents de Région, Ary Chalus, et du Département, Guy Losbar. « C’est de la rigolade », a dit le président de l’UDCAG, Roméo Meynard.
Tout commence il y a une dizaine de jours, quand l’UDCAG et ses alliés ont menacé de bloquer les routes de Guadeloupe ou/et les institutions — Conseil général et Conseil Régional — pour sensibiliser les élus et les Guadeloupéens à leurs problèmes catégoriels.
Que disent-ils en substance ? Que l’usinier, Gardel, avec la complicité du CTCS — l’organisme qui analyse le taux de sucre dans la canne —, ne leur paie pas la canne au juste prix. Il faudrait aussi rémunérer la mélasse et la bagasse tirées de leur canne.
Le prix d’une tonne de canne ? 109 euros actuellement, qu’il faudrait, disent-ils, faire passer à 160 euros. Certains ont dit 200 euros. Pour compenser, entre autres le prix des intrants — engrais, herbicides, etc. — qui a doublé en un an. Pour compenser aussi le prix des prestations des opérateurs de coupe et des transporteurs de cannes du champ à l’usine qui a de même pris, disent-ils, de l’ampleur au fil des années.
Les présidents de Région et du Département les ont depuis rencontrés, écoutés, proposant d’être leurs portes-paroles devant l’Etat.
La réunion de vendredi avec le préfet Xavier Lefort a permis de souscrire, globalement, aux attentes des planteurs de cannes, avec des enquêtes sur le prix de la canne, sur les conditions de détermination du taux de sucre de celle-ci, une révision du calcul de la rentabilisation par l’usine des produits induits que sont la mélasse et la bagasse afin d’en faire profiter les planteurs, une commission de suivi, etc., tout en demandant que la campagne démarre le 1er mars en Guadeloupe, le 14 mars à Marie-Galante.
Dans un courrier adressé à l’Iguacanne, que préside Bruno Wachter, ce dernier étant hostile à un report de l’ouverture de la campagne, le GIE Canne, présidé par Ferdy Créantor, écrit : « Un petit groupe d’opposant, réunis au sein d’un collectif, conteste injustement la signature de la nouvelle convention, alors que celle-ci représente une avancée remarquable pour notre profession agricole. Celui-ci allant même jusqu’à retarder le démarrage de la campagne sucrière 2023, en bloquant pendant plus d’une semaine les accès de la sucrerie du Moule, avec les conséquences désastreuses que nous connaissons tous. »
Poursuivant : « Dans ce contexte de crise, le GIE canne a dû faire face au positionnement douteux de l’un de ses membres, en l’occurrence la SICA UDCAG dont le président n’a cessé de vilipender et de dénigrer les accords cosignés par le GIE canne, en parfaite connivence avec ses amis du collectif, qu’il manœuvre à sa guise (…). Bien loin d’entendre raison, à l’approche du démarrage de la campagne sucrière 2024, ce scissionniste a lancé une nouvelle vague de contestations et de revendications déconnectées des réalités et des équilibres économiques de la filière, mais surtout chargées de contre-vérité reniant les avancées de la nouvelle convention. »
Ferdy Créantor, en accord avec l’Iguacanne, n’a cessé, depuis le début de cette crise, de demander que le calme revienne. D’autant que les tenants d’une ouverture de la campagne le 1er mars seraient largement majoritaires.
Réunis à Petit-Canal ce dimanche, les tenants du blocage semblent, pour leur part, déterminés à poursuivre leur action. Mardi, ils bloqueront l’usine de Gardel. Action symbolique, l’usine n’étant pas sur une route principale.
Bloqueront-ils ce lundi ? Où ? Sur les ronds-points, à la Gabarre et l’Alliance, ponts stratégiques qui séparent Grande-et Basse-Terre, à Jarry, devant les bâtiments des institutions ?
Il ne faut pas négliger les négociations sans publicité certainement engagées par les autorités avec toutes les parties pour ramener le calme.
A suivre.
André-Jean VIDAL
aj.vidal@karibinfo.com