Guadeloupe. Canne : « La profession est soudée », affirme Bruno Wachter

Si le collectif de planteurs de cannes, composé de membres des Jeunes Agriculteurs Guadeloupe, du Kolektif des Agriculteurs (KDA) et de l’UDCAG, a fait l’actualité de ce début de semaine — et fera peut-être l’actualité de la fin de semaine si les blocages promis sont concrétisés, il y a un autre groupe d’acteurs de la filière canne-sucre qui a pris le contrepied du collectif. Eux veulent que la campagne commence le 1er mars.

Il y a un an, ils ont signé un accord 2023-2028. Bruno Wachter est en bas à droite (polo vert).

Bruno Wachter, président de l’Iguacanne, affirme sans sourciller : « La profession est soudée. Que le Kolektif aille aux élections et nous en reparlerons. Leurs revendications ne tiennent pas debout. Certes, il y a des améliorations à apporter mais il y a beaucoup de choses fausses qui sont dites. »

« Il y a un an, nous avons signé un accord 2023-2028, avec une augmentation du prix de la tonne de canne de 30%. Nous sommes passés de 84,33 euros à 109,08 euros. Du jamais vu ! Que demande le collectif ? 160 à 200 euros la tonne ! Or, si l’on réfléchit, une augmentation du prix de la tonne de canne de 30% c’est comme si le SMIC avait pris 500 euros d’un coup. »

Il poursuit : « Nous avons calculé que payer la tonne de cannes 160 euros, cela représenterait environ 25 millions de plus pour cette campagne. Or, nous savons que l’usine de Gardel paie la canne, pour l’ensemble de la campagne, aux alentours de 25 millions. Si Gardel paie 50 millions pour avoir de la canne, c’est la fin de l’usine, c’est la fin de la filière canne ! »

L’effet domino est inéluctable : il faudra vendre le sucre plus cher pour le marché local, mais à l’international il sera difficilement vendable à ce prix-là.

« Quand le collectif dit que la formule qui sert à calculer le prix d’une tonne de cannes date de 1970, je m’inscris en faux. La formule a changé plusieurs fois. De plus, avant c’était l’Etat qui fixait le prix, sans consultation des organisations syndicales, ce qui n’est plus le cas depuis 2005 », affirme Bruno Wachter.

L’une des revendications du collectif Jeunes Agriculteurs, KDA et UDCAG concerne la mélasse et la bagasse, qui ne serait pas rémunérée par l’usinier.

« Depuis 1974, chaque valeur, sucre, alcool, mélasse est pris en compte dans le paiement des planteurs. Depuis 2009, la bagasse est rémunérée aussi. Depuis 2023, il y a un taux fixe, qui est de 14,50 euros la tonne. Plus un complément en fonction du taux de fibre moyen calculé pour chaque planteur. Il y a un souhait unanime que cette bagasse soit mieux rémunérée : cette valorisation ne peut se faire que par accord. Ce montant va encore bouger par l’action conjuguée de l’Iguacanne et de l’interprofession. »

Bruno Wachter : « Depuis 2018, le Ku, une formule de détermination de la richesse qui permet d’uniformiser le paiement des cannes, a évolué. Mais, 70% de la tonne de canne n’est pas payé à la richesse… La tonne de canne est payée, livrée en sucrerie, 32,34 euros avec un complément de prix industriel qui est de 6,25 euros. Il y a ensuite une aide à la garantie de prix, une prime bagasse de 10 euros, oui elle est là, une aide au transport de la canne livrée, 3,50 euros, une indemnité compensatoire de handicap naturel de 2,50 euros, la quote-part annuelle de l’aide à la replantation, de 6,44 euros, etc. On estime à 69 euros la tonne le coût moyen de production d’une tonne de cannes. Ce sont les chiffres de la DAAF. »

Il affirme : « Nous sommes prêts à discuter de la richesse sucrière de la canne, du foncier, de la bagasse, de la restructuration de la filière, de la rémunération du bilan carbone. Tout ceci est légitime mais on ne va pas travailler avec des données et des idées qui datent des années 1970-1980. »

Autre grief du Kolektif : le matériel du CTCS, qui date d’il y a 70 ans…

« Non, pas du tout. Chaque année le CTCS fait une révision de son matériel. Cette révision coûte 150 000 euros. Pour les sondes qui sont l’objet de critiques, il y a une seule méthode et un seul fournisseur qui fait le reconditionnement », explique Bruno Wachter.

Les trois organisations (Jeunes Agriculteurs Guadeloupe, Kolektif des Agriculteurs (KDA) et UDCAG) font grief aux opérateurs de coupe de s’en mettre plein les poches.

Bruno Wachter explique : « Le problème vient de l’investissement. Ces machines coûtent cher et ne sont utilisées que le temps de la campagne. Ensuite, c’est un actif immobilisé. Le problème vient aussi de la faiblesse du tas de cannes. C’est pour cela que les planteurs ont l’impression que l’opérateur de coupe ne vient pas tout de suite couper dans ses parcelles parce que celui-ci se débrouille pour avoir des contrats de coupe dans des parcelles dans un même lieu. Sinon, il lui faut déplacer la machine sur un transporteur routier… et tout cela coûte cher. Cette année, dit-il, nous avons fait la proposition d’un contrat type de prestation entre le planteur et l’opérateur. Ce sera plus sûr que des contrats oraux. Chacun peut s’inspirer de ce contrat. Moi, je dis que les opérateurs de coupe font partie de la filière, comme le planteur, l’usinier, qu’ils doivent se regrouper pour être au cœur de l’interprofession, jouer le jeu et veiller à geler le nombre d’opérateurs. Là, il y a déjà trois fois plus de machines que de besoin. »

Bruno Wachter invite les producteurs de cannes à avoir l’esprit d’entreprise : « Chaque exploitation a une stratégie. Moi dont on dit que je ne suis pas un planteur de cannes, je faisais 7 000 tonnes et l’an dernier j’ai été le premier à apporter ma canne à Gardel. Oh, je fais à peine 500 tonnes maintenant. On nous avait promis, à la fermeture de Grosse Montagne, que le transport de la canne du Nord Basse-Terre jusqu’à Gardel serait payé. La promesse n’a pas été tenue. Alors, je me suis diversifié et je fais encore de la canne bio. Quand on est un chef d’entreprise, on ne peut pas se mettre dans une posture de Smicard. Il faut être sérieux ! »

ILS ONT DIT

« Le problème de la canne, c’est le renouvellement des souches »

Alex Vitalis, directeur de la SICAGRA : « Le problème de la canne, c’est le renouvellement des souches. Il faudrait replanter un cinquième de la surface. C’est un investissement financé par l’Europe. Depuis cinq ans, l’aide tombe trois ans après le dépôt du dossier au lieu d’un an auparavant. Pourquoi ? Parce qu’on est passé, c’est l’Europe qui l’a voulu, d’une procédure collective à une procédure individuelle. Le planteur n’est pas encouragé avec cette formule. Il ne replante pas, le rendement baisse sur sa parcelle. L’Iguacanne a obtenu que l’on revienne à la procédure collective. C’est de nature à relancer la production. C’est une avancée pour le monde cannier. Ce sera plus facile pour les planteurs, ce sera plus facile pour la Région qui aura moins de dossiers à traiter et pourra répondre plus vite aux attentes des planteurs. »

« L’aide à la garantie de prix payée plus tôt »

Autre avancée : l’aide à la garantie de prix. « Elle sera payée plus tôt et en deux fois, explique Fredy Créantor, président de la SICAMA, président du GIE Canne. C’est important d’avoir 60% de cette aide en début de récolte pour permettre au planteur de travailler plus sereinement. »

« L’usinier a bon dos »

Cyrille Mathieu est directeur du Pôle canne de l’usine de Gardel : « L’usine est contrainte par le tas de cannes. Nous faisons plus de sucres spéciaux et moins de sucre en vrac. Le tas de cannes a baissé de 11%, la production de sucre de 30%. Le chiffre d’affaires a augmenté de 0,96% — le dernier chiffre d’affaires connu de l’entreprise est de 26 millions d’eurossur l’exercice 2022, NDLR —. Or, le coût de la main d’œuvre a augmenté tout comme les charges. L’usinier a bon dos. »

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