Guadeloupe. Coralia : le rapport qui fait pchitt !

On attendait le rapport du Bureau Enquête Accident (BEA) mer avec impatience pour mieux comprendre ce qu’il s’est passé, le 16 novembre 2022, lors de l’arrivée du premier concurrent de la Route du Rhum à Pointe-à-Pitre. Souvenons-nous qu’une vedette accompagnatrice avec des VIP à son bord s’était retournée. Deux morts, appartenant à l’équipe organisatrice. Pas de révélation tapageuse. La recherche des responsabilités est du ressort de la gendarmerie qui mène l’enquête.

Le BEA mer enquêtait depuis le jour même de l’événement de mer tandis qu’une enquête locale, confiée aux gendarmes, est à l’instruction pour déterminer les responsabilités dans une chaîne un tant soit peu complexe : OCS sport, organisateur de la Route du Rhum, ayant confié à la Région de trouver des bateaux accompagnateurs, cette dernière ayant, après appel d’offre, confié ce soin à une société locale, Atmosphère… qui ne possédait pas de bateaux (un ou deux) mais en a loué avec ou sans contrat (le point est flou, relevé par le BEA mer)… à des particuliers, ces derniers étant quand même titulaires d’un brevet de capitaine maritime.

Mais, le soin du BEA mer n’était pas de rechercher les responsabilités des uns et des autres, plutôt de comprendre ce qu’il s’était passé.

Rappel des faits :

« Le 16 novembre 2022 vers 03h30, des vedettes transportant des passagers appareillent de la marina de Pointe-à-Pitre pour aller accueillir et accompagner le vainqueur de la course de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe. Parmi ces vedettes, le CORALIA, un Navire à Utilisation Commerciale (NUC) transporte 9 passagers, VIP invités de l’organisation, venus en Guadeloupe pour cette occasion. Le CORALIA patiente un peu sur rade, jusqu’à ce que le premier concurrent se présente accompagné d’un convoi de navire de plaisance. Le CORALIA s’insère dans le trafic puis suit le convoi dans le sens général de circulation. Les vagues générées par les nombreux navires de plaisance présents sur zone engendrent une mer agitée et désordonnée. Le capitaine est surpris par une vague venant de l’arrière, le CORALIA part en surf. Soulevé de l’arrière bâbord, le navire entame un mouvement de gîte sur tribord et enfourne de l’avant. Le CORALIA chavire, les passagers se retrouvent immédiatement à l’eau. Sept passagers se retrouvent sous la coque retournée, cinq d’entre eux parviennent à s’extraire mais deux restent bloqués. Des moyens de sauvetage ainsi que des navires de plaisance portent assistance aux passagers à l’eau et parviennent à sortir les passagers coincés. Les premiers secours sont prodigués aux naufragés, ramenés à quai et pris en charge par des moyens médicaux. Malgré les soins apportés, les deux passagers restés bloqués sous la coque ne peuvent être réanimés et décèdent. »

Avec un soin extrême, les enquêteurs du BEA mer ont suivi la procédure : comprendre le contexte, voir avec quel navire l’événement de mer s’est produit, avec quel équipage à son bord, cerner les conditions de l’accident, l’intervention des secours, analyser le chavirage et la noyade des deux malheureux.

De tout ceci il ressort des conclusions qui accablent le capitaine du bateau, jeune homme de 21 ans, titulaire d’un diplôme de capitaine depuis dix mois. Il ne devait, selon ses titres maritimes d’exploitation de son bateau, le Coralia, utiliser son bateau que de jour (même si son brevet lui permettait de le piloter de nuit). Il n’a pas donné les consignes de sécurité au moment où il a pris en charge 9 passagers. Alors qu’il aurait dû être accompagné d’un matelot aguerri, il avait un dixième « passager », matelot d’occasion, pas plus amariné que n’importe quel passager, bombardé second du bateau. Donc onze à bord. Il avait l’autorisation, de par son brevet, d’en transporter douze.

En cours de route vers le Mouchoir carré, lieu de l’arrivée de la Route du Rhum, quelques-uns des passagers, effrayés par la mer houleuse (mais pas forte) ont demandé à avoir une brassière de sauvetage, la plupart ne sachant pas la passer et s’arnacher. Les uns ont maladroitement aidé les autres.

Arrivé sur le lieu du passage de la bouée d’arrivée, le jeune capitaine a été confronté à une meute de deux cents bateaux suiveurs du grand voilier vainqueur, Ultim Maxi-Edmond-de-Rothschild, barré par Charles Caudrelier, dont certains, qui ne portaient pas les feux de position, allaient et venaient à trente nœuds ou plus (un peu plus de 50 kilomètres/heure, ce qui est beaucoup en mer) passant et repassant devant d’autres bateaux, en créant des vagues.

Quand il a, surpris par l’exercice — c’était sa première expérience d’une arrivée de la Route du Rhum —, ralenti la vitesse de sa vedette, une vague s’est engouffrée par l’arrière, retournant celle-ci. Le capitaine, son second d’occasion, un passager, ont soit été éjectés, soient se sont jetés à l’eau pour ne pas être sous l’embarcation qui se retournait. Huit ont été coincés dessous, réussissant pour six d’entre eux à sortir du piège. Certains montant sur le bateau retourné, d’autres pataugeant alentours. Les secours arrivaient immédiatement.

A noter qu’un pilote d’une vedette qui était juste derrière le bateau naufragé a eu la présence d’esprit de mettre son bateau de travers pour éviter que d’autres vedettes lancées à peine vitesse ne viennent percuter le bateau en péril… ou les malheureux naufragés.

Malheureusement, deux passagers de la vedette retournée, porteurs de brassières de sauvetage, sont restés coincés sous la coque, sans doute gênés par leur brassière. Récupérés par des plongeurs entre un quart d’heure et vingt minutes après le naufrage, ils étaient en arrêt cardiorespiratoire et ne devait pas survivre.

Ce n’est pas leur rôle : les enquêteurs du BEA mer n’ont porté aucune accusation, se contentant de livrer leur expertise de l’événement de mer.

A suivre.

André-Jean VIDAL
aj.vidal@karibinfo.com

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