Saint-Martin. La SAFER de Guadeloupe en mission dans l’Île du Nord

Pendant plusieurs mois, la SAFER de Guadeloupe s’est vu confier la mission de faire un audit sur l’agriculture à Saint-Martin. Cette petite île présente une surface agricole d’environ 500 hectares dont très peu sont exploités, essentiellement pour l’élevage. Le reste est en friches qui pourraient être éradiquées pour planter. En fait, tout dépend de la Collectivité de Saint-Martin, qui doit réserver des parcelles pour l’aménagement foncier et d‘autres pour l’agriculture. Entretien avec Rodrigue Trèfle, président de la SAFER, de retour d’une semaine sur l’île .

Rodrigue Trèfle, président de la sAFER Guadeloupe.

En quoi consistait la mission de la Safer à à Saint-Martin ?

La COM de Saint-Martin a souhaité relancer l’agriculture de l’île. Il s’agissait pour la Safer de les accompagner pour un état des lieux et un diagnostic exhaustif sur tous les espaces agricoles de l’île, y compris sur les pratiques des agriculteurs qui sont encore en production.

C’est une île qui est petite, qui est surtout vouée au tourisme. On peut supposer que l’agriculture y est très marginale.

C’est une petite île, bien sûr, avec des pratiques agricoles traditionnelles. Et c’est vrai qu’on pourrait penser que l’île puisse être amenée à s’urbaniser un peu partout. Mais, à la COM ils ont l’idée de faire le choix qu’il puisse exister une agriculture pour préserver des productions locales et suivre l’idée sinon d’une autosuffisance alimentaire, ce qui n’est pas possible, du moins d’avoir des légumes et fruits frais, de la viande, produits localement. Historiquement, c’était quand même l’un des foyers d’un élevage florissant.

Il ne faut pas oublier qu’il y a quelques années ils ont fait l’investissement d’un outil d’abattage. En ce moment, qu’abattent-ils ? Une tête par semaine ? Ils ont la volonté de relancer l’élevage.

Combien d’hectares sont exploités ?

Les terres agricole et naturelles, c’est un peu moins de 500 hectares. Ce qui n’est pas mal quand même. C’est pour ça que c’est nécessaire qu’il puisse exister une production agricole sur l’île.

Et, que produit-on à Saint-Martin ?

Il s’agit surtout d’élevage, avec des ovins, des caprins, des porcins. Mais, il semble y avoir une volonté d’innover. Nous avons visité une installation d’aquaponie, Farm4You, avec une production de salade, de menthe, de basilic, qui fonctionne bien, et des poissons qui apportent les nutriments.

S’il y a 57 agriculteurs sur une surface globale de 500 hectares, il faut supposer que les surfaces exploitées sont petites, non ?

Oui, il y a des surfaces de petite taille, quelques hectares, mais il y a deux ou trois exploitants agricoles qui ont des surfaces qui dépassent 25 hectares voire 50 hectares. Il y a quand même beaucoup de parcelles en friche, avec des acacias qu’il faudrait éliminer pour pouvoir remettre les parcelles en production.

Est-ce qu’il y a des terrains en friche qui appartiennent à l’Etat ? A la Collectivité ?

Tout à fait. Il y a des terres qui appartiennent à l’Etat, d’autres au Conservatoire du Littoral. Ces espaces sont parfois exploités sans titre. Pourtant, les gens qui exploitent ces parcelles pensent qu’elles peuvent le faire alors qu’elles n’ont aucun titre. Il y a pas mal de ressortissants haïtiens qui exploitent ces terres pour y élever des porcs, ceci sans respecter les normes sanitaires. La SEMSAMAR aussi a des terrains. Il y a aussi des terrains qui sont voués, sans doute, si la COM le décide, à être urbanisées un jour et qui sont exploitées actuellement par des agriculteurs, toujours sans titre. Tous ces espaces ne sont pas réellement définis, d’où notre mission d’audit.

Il faut que la COM sache ce qui peut être utilisé pour l’urbanisme car il y a beaucoup d’habitat insalubre à Saint-Martin, et ce qui peut être réservé pour l’agriculture s’ils veulent développer cette filière économique.

Dans votre audit, vous avez constaté que plus de la moitié des agriculteurs ont moins de 60 ans, ce qui semble prometteur.

Oui, il y a de l’espoir. Ces agriculteurs peuvent rester en activité le temps d’en former d’autres. Mais, pour cela, il faut des terres qui ne soient pas en friche. Le danger des terres défrichées par de jeunes agriculteurs qui voudraient les exploiter en location c’est que leur propriétaire, voyant le terrain sans les friches, se fasse des idées…

Avez-vous ressenti que la COM était volontaire sur ce dossier ?

Oui, le président Louis Mussington était absent, en mission à l’extérieur, mais M. Richardson, le vice-président, nous a dit qu’il y a une réelle volonté politique de protéger l’agriculture, voire de la développer.

Il y a une volonté d’engager une mini réforme foncière. Il va leur falloir convaincre les agriculteurs âgés qu’ils doivent louer leurs terres pour installer de jeunes agriculteurs. Or, ces agriculteurs qui veulent quitter le métier pour prendre leur retraite ne veulent pas faire de bail à terme. Ils ne veulent pas être bloqués pour des années… Et le jeune qui s’installe, il faut qu’il sache où il va. Il lui faut pouvoir réaliser des investissements sur une terre louée pour un temps long, pas pour deux ou trois ans… Nous pensons, à la SAFER, que le contrat de mise à disposition est plus avantageux, qu’il est plus souple.

Est-ce que les autorités sont prêtes à soutenir le développement agricole ?

Je pense qu’il y a une volonté de soutenir des initiatives en la matière. La COM en tout cas devra aider l’installation des jeunes agriculteurs. Le POSEI devrait pouvoir fonctionner aussi.

Il faudra aussi réguler le nombre de singes et d’iguanes sur l’île. Ce sont deux nuisibles des cultures. De même, il faudrait aider à éliminer la prolifération des acacias et autres plantes invasives. Je ne pense pas que les touristes trouvent cela très agréable. Mais, comme il y a beaucoup d’indivision, les terrains restent en friche… Il y a beaucoup à faire en matière agricole pour relancer de vraies filières et la COM de Saint-Martin semble y attacher de l’importance.

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