Mathilde Detrez, chargée de plaidoyer Outre-mer à l’UNICE France, répond à nos interrogations après la publication du rapport Grandir dans les Outre-mer.
Vous levez le voile sur les difficultés qu’ont les enfants à grandir dans les Outre-mer. Pensez-vous que les autorités de l’Etat et des collectivités locales sont sensibles à la problématique ?
Le rapport Grandir dans les Outre-mer est une première étape essentielle pour l’UNICEF France afin de mettre en lumière la situation des droits de l’enfant dans ces territoires. Nous souhaitons travailler de concert avec l’ensemble des acteurs, notamment les organisations de la société civile et les pouvoirs publics à l’échelle locale et nationale afin d’améliorer la réalisation des droits.
Les pouvoirs publics sont au fait de ces questions, certaines mesures ont déjà été annoncées notamment dans le cadre du Pacte des Solidarités et dans le cadre du Comité Interministériel aux Outre-mer. Il s’agit désormais de poursuivre les efforts, d’aller plus loin dans la réalisation de certains droits et de placer l’intérêt supérieur de l’enfant au cœur des politiques publiques.
Qu’est-ce qui peut expliquer ce silence et ce laisser-faire ?
L’éloignement géographique, les décisions prises depuis Paris, l’absence de prise en compte de la parole des enfants et des jeunes issus des territoires d’Outre-mer sont tant de facteurs qui expliquent que la situation est encore mal connue et que certains indicateurs préfigurent une situation alarmante en termes de réalisation des droits de l’enfant.
Logements insalubres, promiscuité, difficultés scolaires seraient Outre-mer récurrents pour disqualifier les enfants. Comment pallier ces manques ?
Sur la question des enfants sans domiciles et mal logés, l’UNICEF France recommande d’identifier les enfants et familles sans domicile afin de pouvoir proposer des solutions adaptées et renforcer leur accès aux services, de renforcer les connaissances sur la population sans-domicile en incluant les OM dans les enquêtes nationales « sans-domicile » de l’Insee, en renforçant les moyens d’observation sociale des SIAO et en déployant des opérations locales de recensement de type « Nuits de la solidarité ». Mais aussi de renforcer le repérage et l’orientation des familles sans-domicile vers le droit commun, en développant et en pérennisant les dispositifs visant à aller vers ces familles et évaluer l’intérêt de mettre en place des dispositifs de maraude, de développer l’offre d’hébergements temporaires adaptés aux familles et des dispositifs de logement adaptés tels que l’intermédiation locative, de mettre en place un référent enfance-famille au sein des SIAO permettant de coordonner l’ensemble des acteurs intervenants auprès des familles et de s’assurer de la cohérence du parcours d’accompagnement.
Et encore de renforcer l’accès au logement pour les familles précaires, de développer l’offre de logement, et priorisant la production de logements très sociaux adaptés aux familles, d’intégrer les outre-mer dans le programme national de résorption des bidonvilles et appliquer les dispositions de la circulaire du 25 janvier 2018 afin de mettre en place une stratégie territoriale, d’adapter la réponse en fonction de diagnostics sur la situation des enfants et familles vivant en bidonvilles et de favoriser le lien avec les autres domaines de l’action publique dans une logique d’accompagnement global (santé, éducation, protection de l’enfance) pour sortir d’une approche essentiellement répressive.
Quid de l’accès à l’éducation ?
Sur la question de l’accès à l’éducation, l’UNICEF France recommande de garantir l’effectivité du droit à l’éducation et lutter contre la non-scolarisation des enfants, en déclinant dans chaque territoire l’observatoire de la non-scolarisation, de mettre un terme aux refus d’inscription à l’école, en veillant à l’application effective du décret n° 2020-811 du 29 juin 2020, de développer des actions d’accompagnement des enfants non-scolarisés vers l’école, notamment en Guyane et à Mayotte via des dispositifs de médiation scolaire., d’accélérer la construction scolaire dans les territoires sous dotés, d’assurer la convergence progressive des dispositifs dérogatoires de certains territoires d’Outre-mer vers le droit commun mis en place dans l’Hexagone.
Ii convient aussi de prolonger le développement des savoirs et des compétences en dehors de l’école (périscolaire, associations, Projets éducatifs de territoire), d’améliorer les modalités de recrutement et d’accompagnement des enseignants, en privilégiant les recrutements locaux, de redimensionner les moyens des centres académiques pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivée et des élèves issus des familles itinérantes et de voyageurs (CASNAV) en fonction des besoins de chaque CTOM.
Enfin, impulser une réforme de la prise en compte des élèves allophones en France pour subvenir à leurs besoins particuliers afin de respecter pleinement leur droit à l’éducation.
Propos recueillis par André-Jean VIDAL
aj.vidal@karibinfo.com