Près d’une semaine après le décès de l’historien Jean-Pierre Sainton, les hommages continuent d’affluer, avant les funérailles prévues ce 31 août.
« Un historien d’une grande honnêteté intellectuelle »
« Le mardi 22 août 2023, nous avons appris avec stupeur et une grande tristesse le décès de Jean-Pierre Sainton, Professeur des universités en histoire contemporaine.
Jean-Pierre Sainton a œuvré à une meilleure connaissance de l’histoire antillaise et caribéenne avec une thèse sur Les nègres en politique, des ouvrages phares et de synthèse (Histoire et civilisation de la Caraïbe (Guadeloupe, Martinique et Petites Antilles) ; Territoires de l’histoire antillaise) et d’autres, qui ont ouvert la voie à une approche renouvelée et critique de l’histoire politique et sociale des Antilles. Il a analysé les évènements de mai 1967 en Guadeloupe et mené une réflexion sur les enjeux autour de la départementalisation aux Antilles dans la période charnière des mouvements de décolonisation (La décolonisation improbable).
Une source d’inspiration
Par son travail acharné, il a œuvré à la mise en place du campus du camp Jacob de Saint-Claude et à la création du Département pluridisciplinaire des lettres, langues et sciences humaines au sein de l’université des Antilles. Ses travaux ont inspiré nombre de chercheurs au niveau national et international et il a dirigé de nombreux projets, dont le dernier, sur les Réseaux interpersonnels aux Antilles (REZO).
Son engagement était celui d’un historien d’une grande honnêteté intellectuelle, d’une profonde générosité à partager ses savoirs, à fédérer des projets ambitieux dans le domaine universitaire et associatif. Il assuma récemment la présidence de l’Association des historiens de la Caraïbe (2022-2023).
La Guadeloupe n’a pas perdu uniquement un fils, un historien, mais un homme éclairé, doté d’un profond respect pour les valeurs humaines et culturelles de notre territoire, et luttant pour son émancipation.
Nous souhaitons lui témoigner notre affection, nos condoléances et notre soutien à sa femme Juliette, à ses enfants, à sa famille et ses proches. »
Société d’Histoire de la Guadeloupe
« Rigueur, intelligence, bienveillance »
« Nos pensées vont à son épouse et ses enfants, à sa famille et à ses ami.e.s, à ses camarades de combat, à ses étudiant.e.s. Nous voulions qu’il-elle.s sachent combien le rayonnement de la personnalité de Jean-Pierre est allé bien au-delà de l’espace caribéen et a nourri nos travaux et nos engagements. Repère de nos vies intellectuelles, Jean-Pierre représentait la rigueur, l’intelligence, la bienveillance mises au service d’une quête politique de justice destinée à défaire les aberrations de « la » domination, partout où elle s’exerce sur fond d’une colonialité restée invaincue.
J’ai eu la chance de travailler aux côtés de Jean-Pierre en participant au Master Histoire, Civilisation, Patrimoine des Mondes caribéens et guyanais qu’il a dirigé à l’Université des Antilles, la chance de partager des moments de colloques et autres rencontres universitaires, la chance de bénéficier de sa grande confiance, la chance de pouvoir lui confier mes doutes et de recevoir ses conseils, la chance d’être guidée par lui vers Fabien Marius-Hatchi aux Éditions Atlantiques déchaînés…
Un respect indéfectible
Bien plus qu’un repère, Jean-Pierre appartenait à ces intellectuel.le.s antillais.e.s dont j’ai à cœur de dire qu’il-elle.s m’ont appris à penser par la fulgurance de leurs analyses animées par une humanité rare.
Ses travaux ont été d’un apport considérable pour concevoir la continuité de la matrice coloniale dans ses formes les plus actuelles. Ils ont su démonter finement les rouages des reconversions successives de la vieille plantation esclavagiste confinant à la permanence d’un ordre ancien et aboutissant aujourd’hui à « La décolonisation improbable » (2012), une permanence dévastatrice habillée des atours trompeurs de la modernité, « la post Habitation, urbaine, mobile et consommatrice ». Il était venu aux séances de séminaire de notre groupe à Paris, avait participé à celle sur « Esclavage et capitalisme ».
La philosophe Elsa Dorlin, membre de MCTM, venait de publier un ouvrage avec lui à partir du travail précurseur qu’il avait accompli sur Mé 67 : mémoire d’un évènement (Guadeloupe, Mai 67. Massacrer et laisser mourir, Libertalia, 2022). Nous projetions une rencontre autour du livre en février 2024 à la Martinique. Nous la maintiendrons pour dire combien Jean-Pierre a compté dans nos trajectoires et lui témoigner de notre respect indéfectible. Il nous laisse des écrits, un mode d’être en relation et des espoirs en ces précieuses générosités qui redonnent des dignités à nos vies. »
Christine Chivallon, anthropologue CNRS et les membres du groupe MCTM, en particulier Elsa Dorlin, philosophe, Université Toulouse Jean Jaurès et Clara Palmiste, historienne, Université des Antilles.
« Une certaine fierté caribéenne »
« Avec la disparition de Jean-Pierre Sainton, la Guadeloupe et les peuples frères de la Caraïbe perdent l’un de leurs plus éminents chercheurs et historiens.
Ce brillant intellectuel, pédagogue et engagé, aura su, par son travail rigoureux et son amour du péyi, remettre la Guadeloupe au cœur de la Caraïbe et insuffler une certaine fierté caribéenne.
Ses efforts inlassables pour édifier et développer l’Université des Antilles et notamment son pôle à Saint-Claude nous laissent un héritage précieux pour le rayonnement de notre archipel.
Puisse son travail colossal continuer de nous inspirer et d’ancrer la Guadeloupe dans son identité et dans son Histoire. »
Elie Calfier, député
« Un grand Caribéen »
« La nouvelle du décès de Jean-Pierre Sainton nous a surpris et a fait l’effet d’un véritable coup de tonnerre. Jean-Pierre Sainton a accompagné le CO.RE.CA. dès la naissance de notre association. Il a porté sa contribution chaque fois qu’il le pouvait. Il était président de l’Association des Historiens de la Caraïbe. Le CO.RE.CA. salue la mémoire de ce grand caribéen. C’était un intellectuel engagé, un chercheur insatiable. C’est une grande perte pour la Guadeloupe et plus généralement pour la Caraïbe. »
Julien Mérion, du CO.RE.CA.