Caraïbes. Série. La perspective d’un futur commun par Fred Réno

La perspective d’un futur commun est avancée, notamment par des leaders politiques « tiers-mondistes » ou socialistes des différentes parties de la Caraïbe.

Elle repose généralement sur le constat que le système de plantation en dépit de sa violence a généré un système de significations dans lequel les fils des personnes mises en esclavage, indépendamment de leur position sociale, se reconnaissent.

La culture créole comme le dit le philosophe Glissant aurait créé un sens profond de la Relation. La solidarité qui en découle serait une des caractéristiques de cette région multiraciale. Contrepoids obligés des relations humaines souvent violentes sur les Habitations, ce trait serait partagé par les héritiers du système « plantationnaire ».

On peut rapprocher ces assertions de ce que Aimé Césaire appelle le « miracle antillais » et que l’on pourrait étendre à l’ensemble de la Caraïbe.

« Par delà ses divisions ce peuple a toujours su, en vue de l’essentiel, retrouver des profondeurs, les secrets que l’on eût pu croire perdus et les ressources inépuisables de la solidarité humaine, solidarité dans le deuil, solidarité dans le travail, solidarité enfin dans l’espérance et le progrès… ».

Cette solidarité s’exprimerait selon des modalités comparables d’un territoire à l’autre, en dépit des séparations nationales et de la diversité raciale. Pour Michael Manley, premier ministre de la Jamaïque entre 1972 et 1980, « la géographie et une histoire coloniale partagée s’associent aux caractéristiques du tiers- monde en développement pour créer un région qui se réveille au fait qu’elle partage manifestement un destin commun ».

Quelques années après, le chef du gouvernement révolutionnaire de Grenade faisait une déclaration similaire. « Nous peuples de cette région travaillons à construire un sens collectif de l’identité ». D’autres militants se veulent plus précis et envisagent à long terme une intégration politique progressive en forme de cercles concentriques. C’est le cas des auteurs de l’«Eloge de la Créolité ».

Leur revendication « dessine l’espoir d’un premier regroupement possible au sein de l’Archipel caribéen: celui des peuples créolophones d’Haïti, de Martinique, de Sainte-Lucie, de Dominique, de Guadeloupe et de Guyane, rapprochement qui n’est que le prélude à une union plus large avec nos voisins anglophones et hispanophones. C’est dire que pour nous, l’acquisition d’une éventuelle souveraineté mono-insulaire ne saurait être qu’une étape (que nous souhaiterions la plus brève possible) sur la route d’une fédération ou d’une confédération caraïbe, seul moyen de lutter efficacement contre les différents blocs à vocation hégémonique qui se partagent la planète » .

Une des raisons de l’existence d’une Caraïbe unie est la nécessité de transcender l’insularité, et tous les inconvénients qui sont attachés à l’exiguité dans un monde où le poids de la parole se mesure à la taille des marchés économiques et à la puissance militaire des grands ensembles. Néanmoins un des freins majeur de cette caribéanité est sans conteste le nationalisme comme le montre la difficile construction d’une intégration politique de la Caraïbe. A ce jour la seule expérience d’intégration qui a vu le jour date de l’époque coloniale et n’a duré que 5 ans.

Finalement, la Caribéanité est travaillée de l’intérieur par les sentiments nationalistes et par des allégeances ethniques dans certains pays. Ces extrêmes minent les rêves et les efforts des artisans du sixième continent. En dépit de sa fragilité, et nonobstant les stratégies inhérentes à toute construction identitaire le projet caribéen est porteur d’espoir pour les sociétés pluriethniques auxquelles s’apparentent plusieurs pays antillais.

Souhaitons que l’absence relative de conflit ethnique dans cette partie du monde, qui concentre pourtant un nombre impressionnant de groupes culturels, préfigure ce nouveau monde débarrassé des crispations identitaires dont les exemples les plus récents montrent qu’elle conduisent inévitablement à dénaturer l’Homme.

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp
Email

Actualité

Politique

Economie

CULTURE

LES BONS PLANS​