Dix ans après l’adoption de la loi dite « Sauvadet » de 2012, pour la parité dans la haute fonction publique, le compte n’y est toujours pas.
Malgré les évolutions positives liées au respect des quotas de 40 % de primo-nominations féminines au sein des postes d’encadrement et de direction des trois versants de la fonction publique, les postes à responsabilités sont toujours en grande majorité occupés par des hommes. Environ un tiers des emplois à responsabilités sont occupés par des femmes, alors que l’objectif est de parvenir à une situation paritaire.
Ce faible effet des quotas s’explique notamment par leur cible d’origine : les seules primo-nominations. Si le nombre de personnes nommées pour la première fois est faible, à la fois par rapport à l’ensemble des nominations, et par rapport à l’ensemble des emplois concernés par le dispositif, la vitesse de renouvellement du nombre de femmes en fonction est faible et le dispositif peine à faire évoluer la féminisation des emplois à court et moyen termes. D’autre part, les femmes nommées ne restent pas nécessairement en fonction.
Des inégalités criantes
Les inégalités se font ressentir jusqu’au plus haut niveau de l’État. En effet, au niveau ministériel, la proportion de femmes reste plus faible dans les ministères historiquement masculins et dans les emplois considérés comme les plus prestigieux ou les plus techniques.
À ce titre, la proportion de femmes occupant un emploi supérieur au sein du ministère de l’Intérieur ne s’élève qu’à 32 %, au ministère de la Culture 31 % et au ministère de l’Économie et des Finances, à 27 %.
Plus d’un million d’euros de pénalités pour 4 ministères
Ainsi, quatre départements ministériels (Affaires étrangères, Armées, Économie et finances et Services du Premier ministre) ont dû s’acquitter en 2020 de pénalités financières à hauteur de 1 080 000 € pour ne pas avoir respecté les obligations paritaires.
La fonction publique territoriale ne fait pas exception à ce constat. En effet, les progrès récents ne sauraient occulter des différences dans les responsabilités assumées entre femmes et hommes. On ne compte que 20 % de femmes occupant des postes de directeur général des services (DGS) et seulement 15 % des postes de directeur général des services techniques (DGST).
La fonction publique hospitalière, mauvaise élève
Cette différenciation, en matière de responsabilités, est particulièrement marquée dans le secteur hospitalier. Alors que la fonction publique hospitalière connaît une féminisation historiquement élevée, avec 75 % de femmes parmi ses agents de catégorie A, les postes considérés comme les plus prestigieux sont davantage occupés par des hommes. Ainsi, les femmes n’occupent que 27 % des emplois fonctionnels de directeur d’hôpital.
Pour le Sénat, « il est impératif que les employeurs publics fassent preuve d’exemplarité. L’opportunité pour eux de jouer un rôle moteur dans la progression de la parité est d’autant plus considérable qu’ils emploient aujourd’hui environ 5,7 millions d’agents, soit 20 % de l’emploi en France, et 62 % de femmes parmi ces agents, toutes catégories confondues. »
Les recommandations de la délégation sénatoriale aux droits des femmes
Le rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat intitulé Parité dans la haute fonction publique : changer de braquet dix ans après la loi Sauvadet a défini trois grands axes visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique. Il faut :
- élargir les obligations paritaires des employeurs publics et renforcer les sanctions
- davantage accompagner les femmes dans leurs parcours de carrière en construisant une véritable politique des ressources humaines dans la fonction publique
- renforcer la mobilisation autour d’une politique de l’égalité professionnelle et salariale ambitieuse.
Aucune dispense de pénalités financières
L’article 1 er de la proposition de loi du Sénat supprime toute dispense de pénalités financières : aucun employeur public ne pourra se soustraire aux quotas de primo-nominations, sous peine de pénalités financières.
L’article 2 relève à 50 % le quota de primo-nominations du sexe sous-représenté. Ce quota peut aller jusqu’à 60 % si les postes concernés ne sont pas occupés par au moins 40 % de personnes de chaque sexe, afin d’accélérer le rééquilibrage.
L’article 3 élargit le périmètre des emplois concernés par les quotas. Ainsi, seront concernés, non plus les seuls emplois de direction, mais tous les emplois d’encadrement supérieur et de direction de l’État, des établissements publics de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et de la fonction publique hospitalière. Alors qu’actuellement seuls 6 000 postes sont concernés par les quotas, 21 600 postes pourraient ainsi être concernés, selon des chiffres du ministère de la transformation et de la fonction publique. Le seuil des collectivités concernées est en outre abaissé à 20 000 habitants, contre 40 000 aujourd’hui.
Enfin, l’article 4 vise à mettre en place, dans le secteur public, un index de l’égalité professionnelle, sur le modèle de ce qui existe dans le secteur privé, avec des critères et indicateurs objectifs permettant de mesurer le degré d’implication des employeurs publics dans la mise en oeuvre d’une politique d’égalité professionnelle et salariale.